Pour que l'élevage français reprenne du poil de la bête

Face à ces enjeux cruciaux pour l'avenir de l'élevage, il est impératif de susciter une prise de conscience plus large, intégrant les problématiques environnementales et sanitaires.

Les deux dernières décennies ont été marquées par une diminution significative du nombre d'éleveurs en France, conjuguée à une accélération de la décapitalisation du cheptel qui a entraîné une chute de la production. Les crises du Covid-19 et du conflit russo-ukrainien ont encore exacerbé notre dépendance aux produits importés. Au-delà des menaces qui pèsent sur l'élevage français, c'est notre souveraineté alimentaire qui est aujourd'hui mise en péril. Face à ces enjeux cruciaux pour l'avenir de notre profession, il est impératif de susciter une prise de conscience plus large, intégrant les problématiques environnementales et sanitaires, pour orienter nos choix de société. Voici 4 propositions de solutions concrètes.

Promouvoir les produits français et soutenir nos éleveurs

Alors que la rentabilité des élevages français dépend étroitement de la priorité qui sera donnée aux produits d’origine France, une grande partie de la viande consommée en France est importée, souvent produite selon des normes moins strictes. La maîtrise de nos conditions de production est pourtant la seule garantie d’une alimentation de qualité qui nous prévienne des crises sanitaires. Nous en appelons à la responsabilité des pouvoirs publics d’imposer des règles équitables pour limiter la concurrence déloyale des élevages étrangers, en ne ratifiant pas l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, en renforçant le contrôle des importations et la traçabilité de la volaille provenant d’Ukraine, en pesant pour une PAC qui prend mieux en considération l’élevage, en encourageant la transparence et la lisibilité de l’étiquetage, en faisant respecter la loi EGalim…

Côté transformation et distribution, nous demandons aux acteurs de la filière de jouer le jeu de la contractualisation des prix, seule garante d’une valorisation des produits français face à la tentation de la spéculation, souvent défavorable à nos produits nationaux. La création d’accords de filières contribue en effet à une meilleure maîtrise des coûts de production et des marges, et à un revenu décent pour les éleveurs. Le consommateur pourra ainsi faire le choix éclairé d’acheter local en acceptant de payer un prix juste : un acte militant et solidaire.

Encourager le renouvellement des générations

Mieux rémunéré, mieux considéré et enfin reconnu à sa juste valeur, le métier de l’élevage pourra ressusciter des vocations ! Sans créateur, sans repreneur, c’est la durabilité du modèle agricole qui est remise en question, et conséquemment notre souveraineté alimentaire. Pourtant, la lourdeur des démarches administratives, l’importance des investissements nécessaires et l’image même du métier font aujourd’hui de la reprise ou la création d’une exploitation un projet qui décourage le plus passionné des prétendants. Banques, administrations, établissements de formation, acteurs de la filière… Ici encore, chacun a son rôle à jouer pour l’attractivité et le développement de notre modèle agricole. Jusqu’au consommateur que nous encourageons à un effort de curiosité à l’égard de l’éleveur pour une meilleure compréhension et acceptation des projets d’installation ou de développement. Notre responsabilité est collective pour, avec une même passion et par le rôle nourricier du métier, redonner toute sa valeur à l’élevage français.

Faire reconnaître l’engagement de l’élevage français pour le bien-être animal et dans la transition énergétique

Le 21e siècle a fait entrer l’élevage français dans une nouvelle ère de communication visant à faire reconnaître nos engagements en matière de bien-être animal, de protection de l’environnement et désormais de transition énergétique. Les pratiques vertueuses intrinsèques au métier doivent être portées à la connaissance de tous : par sa vocation même, l’éleveur ne fait-il pas naturellement du bien-être animal une condition de performance de son exploitation ? Le bien-être des animaux d’élevage et celui des éleveurs sont intimement liés. Nos actions concrètes au sein des interprofessions représentent, défendent et valorisent la profession dans ses engagements pour un élevage responsable et dont la performance environnementale est reconnue. C’est pourquoi nous invitons les pouvoirs publics à valoriser ceux qui jouent le jeu de la décarbonation en les soutenant financièrement dans cet effort, et le consommateur à changer son regard sur l’élevage.

Agir collectivement pour l’avenir de l’élevage français

Nous croyons en l’élevage français. Avec passion et pragmatisme. Sur le terrain, aux côtés des agriculteurs pour la pérennisation de leur activité, l’heure est à l’action. Et la mobilisation doit être collective : consommateurs, acteurs de la filière, pouvoirs publics, nous avons tous un rôle à jouer pour que l’élevage français « reprenne du poil de la bête ». Notre patrimoine agricole, notre souveraineté alimentaire, notre économie, notre environnement, notre santé en dépendent. Face aux défis cruciaux que la crise de ces dernières semaines a eu la vertu de remettre en lumière, engageons-nous ensemble et pleinement pour l'avenir de l'élevage français.