Non, Google ne reportera pas la fin des cookies tiers à cause de l'IAB Tech Lab

Non, Google ne reportera pas la fin des cookies tiers à cause de l'IAB Tech Lab Si les craintes du marché sont légitimes, l'impact du rapport de l'IAB Tech Lab sur les travaux en cours au sein de la CMA est à nuancer.

Les paris sont lancés : Google va-t-il être à nouveau obligé de reporter le planning de suppression des cookies tiers suite aux conclusions extrêmement critiques du groupe de travail de l'IAB Tech Lab dédié à la Privacy Sandbox rendues publiques le 6 février ? Avec une description minutieuse de 44 cas d'usage, dont 42 auxquels la Privacy Sandbox ne répond pas de manière pérenne, on pourrait s'attendre à ce que le document vienne nourrir le suivi de la Competition and Markets Authority (CMA). 

Officiellement, Google prévoit toujours le démarrage de la suppression progressive des cookies tiers sur Chrome au troisième trimestre. Un nouveau délai est cependant d'autant plus envisageable que le rapport de l'IAB Tech Lab conclut à l'incapacité de la Privacy Sandbox à répondre aux dizaines de cas d'usage jugés essentiels à l'activité des annonceurs, des agences, des éditeurs, des régies et des ad tech. Sans parler des sérieuses réserves concernant la complexité de l'outil, le coût de sa mise en œuvre, son imperméabilité aux audits externes, l'absence de standards internationaux et son manque de transparence. De quoi nourrir deux risques principaux : son impact sur la concurrence (la Privacy Sandbox ne doit pas privilégier les services publicitaires de Google) mais également la capacité des éditeurs et des annonceurs de mener à bien leur activité économique liée à la publicité.

La CMA intègre déjà de nombreux points soulevés par l'IAB Tech Lab

Sauf qu'avec ce raisonnement, on oublie que beaucoup de lacunes mises en avant par l'IAB Tech Lab sont déjà connues et traitées par l'Autorité de la concurrence britannique, qui suit ce dossier depuis février 2022. L'organisme édite en effet un rapport de suivi trimestriel très rigoureux qui répertorie les progrès réalisés par Google pour résoudre les problèmes de concurrence soulevés par la fin des cookies tiers et l'adoption du Privacy Sandbox sur Chrome.

Parmi les points restant à régler pointés par ce document, on peut citer le manque de transparence de l'outil, l'absence d'un dispositif abouti de gouvernance, la complexité et l'insuffisance de la documentation technique, la position privilégiée de Google vis-à-vis de Google Ads Data Manager, la manière dont Google Ad Manager (GAM) se positionne sur les enchères sur Protected Audience API (PAAPI) pouvant fausser la concurrence, l'accès rendu difficile voire inexistant à certaines données clés relatives aux enchères, l'absence de support pour certains formats publicitaires, les lacunes des API de mesure, etc.

De plus, certaines des critiques de l'IAB Tech Lab, comme l'absence de possibilité d'exclure des audiences dans le ciblage, ou le manque de granularité dans Topics, risquent fort de ne pas être considérées par l'autorité britannique, qui a déjà fait remarquer "ne pas s'attendre à ce que les outils de la Privacy Sandbox reproduisent toutes les fonctionnalités des cookies tiers".

Enfin, certains cas d'usage répertoriés par l'IAB Tech Lab ne sont déjà plus véritablement adressés aujourd'hui : "L'exclusion de la publicité de concurrents, la capacité à éviter d'enchérir contre soi-même ou encore le second price auction sont déjà des choses que l'on n'arrive pas à faire correctement aujourd'hui, ce n'est par conséquent pas très correct de le reprocher à la Privacy Sandbox", nous confie un expert français de l'adtech.

Selon certains spécialistes du marché, aucune mesure en attente ne devrait bloquer le processus de validation par la CMA. "La dernière mise à jour trimestrielle (du rapport de suivi de la CMA, ndlr) qui date de janvier ne comporte aucun facteur véritablement bloquant : techniquement il n'y aurait aucune difficulté à faire évoluer dans les prochains mois tous les aspects pointés par la CMA comme devant être résolus par Google, comme la position dominante de GAM sur les enchères dans PAAPI ou l'absence de standard VAST (qui pourrait être maintenu vu que Google dispose encore de deux ans pour faire évoluer fenced frames)", déclare un expert qui suit de près les travaux de la CMA.

Un calendrier extrêmement chargé pour l'autorité britannique

Pour ce professionnel, les critiques de l'IAB Tech Lab ne pèseront pas assez pour que Google décale la suppression des cookies tiers. En revanche le calendrier de la CMA pourrait poser problème. Faisons le calcul. La liste de points à régler est toujours très longue. De plus, les tests de la Privacy Sandbox réalisés en ce moment à la fois par Google et surtout par le marché vont durer tout le premier semestre. Cela signifie que la CMA disposera de toute la documentation relative à leurs résultats au mieux vers la fin juin. Avec la pause estivale, il est fort possible qu'il faille à la CMA plus de 60 jours (elle dispose de 120 jours) pour analyser tous ces résultats, période pendant laquelle Google sera interdit de procéder à la suppression des cookies tiers. Au mieux, la CMA donnera donc sa décision à l'automne, voire en plein dans les temps forts commerciaux de fin d'année, où une fin abrupte des cookies tiers pourrait s'avérer catastrophique pour annonceurs et éditeurs.

Il faudra attendre avril, quand la prochaine mise à jour du suivi sera rendue publique, pour savoir si la CMA intègrera ou non dans son audit de nouveaux problèmes que le marché lui aura remonté d'ici là. Il sera intéressant alors de savoir si de nouvelles questions de nature à bloquer la validation de l'outil (comme la menace que ce dernier fait peser sur le marché des SSP), ou tout simplement l'incapacité de Google à répondre aux nombreuses attentes de l'autorité britannique, seront réglées.