"Made in China" : pourquoi prendre des distances ?

En raison d'une confluence de facteurs, de nombreuses entreprises prennent aujourd'hui leurs distances par rapport à la fabrication chinoise. Pourquoi est-ce une bonne nouvelle ?

Naviguer dans l’incertitude géopolitique

Les tensions géopolitiques ont un impact direct sur les relations commerciales. En 2020, le gouvernement américain a lancé l’initiative « Clean Networks » (réseau propre) en réponse aux préoccupations croissantes en matière de sécurité. L’objectif : se débarrasser de l’influence chinoise en matière de réseau et communication. Bien que controversée, cette politique a pourtant reçu l’aval de gouvernements démocratiques du monde entier : en décembre de la même année, plus de 60 pays s’étaient publiquement engagés à respecter ses principes parmi lesquels le Royaume-Uni, la Grèce, Singapour, l’Australie et Taiwan.

Si la mesure a été abandonnée avec l’administration Biden, son héritage est resté. La méfiance à l’égard des technologies détenues et fabriquées par la Chine est toujours vive.

En 2023, de nombreux gouvernements ont ainsi interdit l’installation de TikTok sur les appareils professionnels utilisés par leurs agents publics. Invoquant des « risques pour la sécurité nationale », la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’UE leur ont emboité le pas.

Des défis similaires existent dans le secteur privé, en particulier pour les entreprises qui sont confrontées à des mesures de conformité strictes et qui traitent des informations sensibles.

Des entreprises de renom ont déjà cessé ou limité la fabrication de leurs produits en Chine : Apple a déplacé une partie de sa production d’iPhone 14 et 15 en Inde, et a également indiqué son intention d’y déplacer la fabrication de l’iPad ; TSMC, le plus grand fabricant de semi-conducteurs au monde qui opère principalement à Taïwan a également pris de nouveaux engagements avec les Etats-Unis ; le constructeur automobile Mazda a rapatrié la production de pièces au Japon et Samsung a déplacé sa fabrication au Vietnam.

A la lumière des récents événements mondiaux, des crises et des incertitudes, ne plus fabriquer en Chine, ou du moins réduire sa dépendance vis-à-vis de la fabrication chinoise peut présenter des avantages significatifs qui vont au-delà des craintes de sécurité.

Diversifier la chaîne d’approvisionnement, le nerf de la guerre

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence les vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement mondiales, et les risques d’une dépendance excessive à l’égard d’un seul pays. Si une autre crise mondiale ou une flambée géopolitique rendait l’industrie manufacturière chinoise intenable, les entreprises qui ont tous leurs œufs dans le même panier pourraient à nouveau être confrontées à d’importantes perturbations de la chaîne d’approvisionnement.

La diversification des sites de fabrication offre plusieurs avantages :

  •  une plus grande résilience, les entreprises peuvent résister plus longtemps aux événements inattendus,
  • une plus grande flexibilité opérationnelle, qui leur permet de s’adapter rapidement à l’évolution de la dynamique du marché, aux préférences des clients ou à l’évolution des réglementations.

Par ailleurs, si la Chine a longtemps été associée à la rentabilité, ce n’est plus entièrement vrai aujourd’hui en raison de l’augmentation des coûts de main-d’œuvre. L’argument de la compétitivité doit donc être examiné en prenant en compte les implications de la fabrication en chine en termes de souveraineté mais aussi de RSE.

Protection et symétrie des valeurs

La protection de la propriété intellectuelle ou la réplication non autorisée de produits sont également une problématique. Sur ce sujet aussi les entreprises évoluent, et ce paramètre est pris en compte dans le choix des sites de production pour privilégier des pays dotés de mesures plus strictes garantissant une meilleure protection des technologies propriétaires et des innovations.

De plus, d’un point de vue RSE, les réglementations environnementales strictes et les objectifs de durabilité encouragent les entreprises à rechercher des partenaires ayant des pratiques plus respectueuses de l’environnement et socialement acceptables. La question d’une fabrication plus écologique et plus éthique pèse aussi dans la balance et dans le choix des sites de production.

En fin de compte, la distance prise avec l’industrie manufacturière chinoise semble ne pas être une tendance à court terme qui a émergé à la faveur d’une crise géopolitique et des problèmes mis en lumière par la crise de Covid.

Elle signe le début d’une diversification à long terme de la géographie manufacturière. Au fur et à mesure que des sites de production se développeront sur différents marchés, la compétitivité et l’efficacité de la Chine seront mises en concurrence.  Et plus ces industries manufacturières se multiplieront, plus les entreprises seront en mesure de limiter les risques associés aux incertitudes géopolitiques et économiques et pourront à leur tour, être plus résiliente et à l’épreuve du temps.