Les propriétaires de patrimoine ont besoin de l'Etat

De plus en plus victimes de vols, de dégradations ou de squats de leurs biens immobiliers privés et publics, les propriétaires doivent s'équiper de dispositifs de surveillance et de sécurité avancés.

Une démarche complexe et coûteuse qui, bien souvent, les contraint à réduire ou à renoncer à la mise en place de ces dispositifs. Pourquoi alors, à l’instar de ce qui est fait pour les tabacs, l’État n'incite-t-il pas les propriétaires de monuments historiques à les sécuriser en leur accordant une aide financière ?

Le Champ de Coquelicots de Monet, La Joconde de Léonard de Vinci, le portrait de Jacob de Gheyn de Rembrandt ou l’Autoportrait de Van Gogh, toutes ces œuvres ont un point commun : toutes ont été dans les mains de voleurs. Plus récemment, d’autres comme La Petite Danseuse de Degas, Les Meules de Monet ou Les Tournesols de Van Gogh ont ainsi été victimes de vandalisme, sans préjudice heureusement. En parallèle, les châteaux, qu'ils soient privés ou publics, habités ou non habités, subissent de plus en plus d'intrusions ou de squats. Ces actes de malveillance, affectant un large éventail de biens patrimoniaux, engendrent des conséquences économiques considérables, souvent chiffrées en millions d'euros.

Dans un tel contexte, prévenir ces actes est devenu un enjeu de taille pour les propriétaires publics et privés de monuments historiques (immeubles et objets mobiliers). La question se pose alors : comment équiper ces sites d'un dispositif de sécurité et de sûreté efficace, tout en tenant compte des spécificités architecturales diverses et complexes propres aux châteaux, cathédrales, églises, musées, et hôtels particuliers ?

Construire des scénarios d’intrusion

En 2017, la France comptait 31 768 monuments historiques inscrits et 13 517 classés. 44% d’entre eux étaient des propriétés privées, 41% appartenaient à des communes et 4% à l’État. Charge à chaque propriétaire de s’engager dans une démarche de protection, requise souvent par leur contrat d’assurance.
Mais comment définir le besoin de sécurité ? Confiée à un installateur de systèmes de sécurité électronique, cette démarche consiste, dans un premier temps, à réaliser une étude des risques qui déterminera les issues sensibles et les points de passage obligés du site, intérieur comme extérieur. Ensuite, à l’issue de ce repérage, une cartographie exhaustive de tous les espaces, y compris toits et sous-sols, et toutes les salles ouvertes au public, réservées aux stocks et contenant des objets de valeur  (tableaux, bijoux, vaisselle, fauteuils, chandeliers, livres…) est produite.

Une fois les zones à risque déterminées, l’installateur note tous les scénarios possibles pouvant conduire à un vol ou à une dégradation du mobilier. Toutes ces éventualités passées au crible, un plan d’emplacement des détecteurs anti intrusion à l’intérieur comme à l’extérieur de l’enceinte et dans les zones à forte valeur, est alors élaboré.

Un système de sécurité … en toute discrétion

De ces scénarii et des contraintes spécifiques liés aux monuments historiques, découlent le choix du dispositif de sécurité. Car, non seulement le cahier des charges de ces bâtiments stipule l’interdiction de voir les câbles des systèmes d'alarme orner les plafonds ou les murs des édifices, mais leurs murs épais complexifient ou rendent impossible le passage des gaines entre les pièces. Aussi, pour éviter de dénaturer l'image d'un lieu par la présence de câbles, les installateurs privilégient les ondes radio. Si cette technique présente l’avantage de fonctionner et de transmettre un signal sonore ou visuel en cas de coupure d’électricité et/ou d’internet, elle peut aussi dans certains cas, être gênée par l'épaisseur des murs, pour la propagation des ondes.

Tous ces paramètres doivent donc être pris en compte lors de l’élaboration du plan de sécurité afin de garantir le déclenchement d’un signal visuel et sonore en cas d’infraction et l’envoi d’une notification au centre de télésurveillance. Sécuriser un monument du patrimoine revient donc à faire un savant dosage entre complexité architecturale et systèmes de communication du site (GSM, IP ou un système GSM et IP).

Pas de loi, mais une recommandation

Que dit la loi en matière de sécurité du patrimoine ? A ce jour, seule une recommandation du ministère de la culture et la direction générale des patrimoines et de l’architecture conseille les propriétaires publics et privés en matière de protection mécanique des bâtiments. Pour les assurances, outre le cadre minima de cette recommandation, les exigences sont plus importantes,   contraignant généralement les propriétaires à des systèmes de sécurité certifiés NFA2P mais aussi, parfois, à une protection cyber pour lutter contre toute neutralisation des systèmes dès lors qu’ils fonctionnent via internet.

En laissant à la discrétion des propriétaires et des assurances la protection de leurs bâtiments et biens, le niveau de sécurité des biens culturels nationaux est aujourd’hui hétérogène. Aussi, n’est-il pas de la responsabilité de l’Etat d’inciter les propriétaires à déployer des dispositifs réellement performants pour protéger notre héritage culturel ? Pourquoi, à l’instar de l’aide spécifique de l’État accordée aux buralistes pour l'acquisition et l'installation de matériels de sécurité, ne pas octroyer une aide aux propriétaires de monuments historiques ? Véritable richesse nationale,  le patrimoine contribue à l’histoire de la France et au rayonnement du pays.